vendredi 20 juillet 2012

Au Tour de France, les vrais rois du peloton sont les sponsors

Alors que l’édition 2012 du Tour de France va rendre son verdict, c’est l’occasion de s’intéresser à une des particularités du cyclisme par rapport aux autres sports collectifs. En effet, dans le cyclisme, la pratique du naming dans la nomination des équipes est la norme. Cette pratique, assez rare dans le sport collectif, existe néanmoins dans le basket italien, la voile ou avec des grands groupes s’impliquant dans le sport tels que Red Bull (plusieurs équipes de football, une équipe de hockey sur glace), Benetton (rugby, basket, volley) ou les grandes entreprises japonais dans le rugby. Mais dans le cyclisme, les équipes ne sont pas associées à des villes comme le sont les équipes de foot, de rugby ou autres ; leurs terrains de jeu étant les différentes routes à travers le monde parcourues tout au long de l’année. Ainsi, les équipes cyclistes, sans public fixe, ne peuvent compter que sur les sponsors pour se financer.

photo credit: Sylvain ELIES via photo pin cc 



Grâce à cette particularité, les marques jouissent d’une visibilité nominative et visuelle incomparable par rapport aux autres sports sachant de plus que le cyclisme est l’un des sports les plus diffusés au monde. Cette forte visibilité s’explique par sa mondialisation avec de plus en plus de nations représentées au plus haut niveau concernant les coureurs et les équipes. Mais, surtout, grâce au Tour de France, le cyclisme et les équipes y participant profitent d’une très forte exposition mondiale, pendant 3 semaines. Avec une retransmission télévisée dans 190 pays et un nombre impressionnant de 12 millions de spectateurs sur le bord des routes dont 20% d’étrangers (chiffres 2011), le Tour de France représente le 3ème événement sportif le plus suivi dans le monde après les Jeux Olympiques et la Coude du monde de football. Cet engouement mondial attire forcément les marques à y prendre part, que ce soit par le partenariat, l’ambush marketing (Clean Bottle depuis quelques années) ou en y participant directement en tant qu’équipe cycliste.

Outre la visibilité qu’offre le Tour de France, investir dans le cyclisme permet aux sponsors d’équipes de toucher un public à la fois très large, populaire, assez consensuel, le tout dans une grande proximité entre le sponsor et son public que ne permettent pas les autres sports collectifs. Le cyclisme a également l’avantage pour les marques d’être un sport qui réussit à mêler des valeurs collectives avec l’entraide, le travail des équipiers pour un leader, à des valeurs individuelles liées au dépassement de soi et au panache. Ainsi, dans les pelotons, parmi les entreprises sponsorisant ou ayant sponsorisé des équipes sportives, on retrouve beaucoup d’exemples d’entreprises du milieu bancaire, de l’assurance, de la téléphonie mobile, mais aussi des entreprises issues de secteurs plus inattendus comme Oreca (leader australien dans les explosifs), La Boulangère (marque de viennoiseries et ancien sponsor de l’équipe Europcar) ou encore Farm Frites (marque hollandaise de produits à base de pommes de terre, présente dans le peloton du Tour au début des années 2000).

D’un point de vue financier, pour les sponsors d’équipes, le retour sur investissement est particulièrement intéressant et supérieur par rapport aux autres sports collectifs. Avec des budgets annuels tournant autour des 10 millions d’€ (jusqu’à 18 millions pour BMC et Radio Shack), soit l’équivalent des budgets de clubs de football de Ligue 2, les équipes participant au Tour de France font bénéficier à leurs sponsors de retombées médiatiques spectaculaires, notamment grâce au naming. A titre d’exemple, selon le cabinet d’études Occurrence, l’équipe cycliste AG2R-La Mondiale a généré pour son sponsor principal des retombées médiatiques équivalentes à 90,5 millions d’€ d’achats d’espaces publicitaires pour l’année 2010 (soit 10 000 spots tv de 30 secondes), 60 millions en 2009 et 47 millions en 2008.

Et même si ces retombées médiatiques sont déjà très importantes, les sponsors profitent des événements majeurs comme le Tour de France pour communiquer dans les médias afin de capitaliser sur ce partenariat. C’est ainsi que les sponsors d’équipes investissent les pauses publicitaires des retransmissions de l’épreuve, la presse spécialisée et également les réseaux sociaux, sans oublier la caravane publicitaire du Tour. La dernière édition du Tour de France ayant été suivie par 53% des Français à en croire l’étude de Sportlab, il est tout à fait opportun de vouloir occuper le terrain médiatique à tout prix, au cas où les retombées liées aux performances des coureurs ne sont pas à la hauteur. On peut citer pour cette année les spots tv de l’assureur AG2R diffusés depuis 2010, des hôtels du groupe Accor (partenaire de l’équipe Europcar), de Skoda (partenaire du Tour) ou encore il y a 2 ans avec les verres Transitions et Tyler Farrar (sprinter de l’équipe Garmin, dont Transitions était le co-sponsor à l’époque). Concernant les réseaux sociaux, les marques utilisent leurs profils ou alors des profils dédiés à leur équipe pour relayer les exploits de leurs coureurs ou pour proposer des contenus exclusifs, des jeux-concours.



Et s’il est une marque qui a parfaitement compris les enjeux du sponsoring d’équipe cycliste et qui en a largement bénéficié, c’est bien Europcar. En prenant in extremis le relai de Bouygues Telecom dans le sponsoring de l’équipe de Jean-René Bernaudeau en octobre 2010, le Team Europcar est devenu en l’espace d’une saison et demi l’équipe cycliste préférée des Français si l’on en croit l’engouement du public sur les routes du Tour et le nombre de fans inscrits sur la page Facebook dédiée qui est largement supérieur à ceux des autres équipes françaises. Favorisée par les très belles performances des coureurs lors de ces deux derniers Tour de France, le succès de l’équipe sur Facebook s’explique aussi par la richesse des contenus proposés aux fans, avec des comptes rendus, des photos, des vidéos dont la série documentaire « La Belle Échappée » diffusée sur France Télévision qui propose chaque jour quelques minutes en immersion au sein de l’équipe (alors que les années précédentes, France Télévision nous proposait un programme similaire mais dans une équipe différente chaque jour). Enfin, pour engager sa communauté de fans, la page Facebook de l’équipe leurs propose un jeu-concours les incitant à poster des photos prises lors du Tour, en lien avec l’équipe, leur permettant de gagner des maillots dédicacés et des places pour assister à des étapes à bord des voitures officielles.

Concernant les retombées, les performances de Thomas Voeckler et de ses coéquipiers lors du Tour 2011, ont permis au sponsor de l’équipe, d’après une étude de Synthésio, d’être la 2ème meilleure équipe en termes de visibilité sur le web, derrière l’équipe Garmin, avec une part de voix de 8,84%. Et selon une étude de Kantar Media réalisée sur 7 pays (France, Allemagne, Belgique, Espagne, Grande-Bretagne, Italie et Portugal), l’exposition d’Europcar à la TV en 2011 serait valorisée à 14 millions d’€. Ces performances médiatiques et sportives à travers son équipe ont même permis à Europcar d’être élu sponsor de l’année 2011 lors des trophées Sporsora. Sa notoriété spontanée est passée de 31% à 39%, quant à sa notoriété assistée, elle est passée de 12% à 32% (sources). Et concrètement, concernant les réservations de véhicules, elles auraient augmenté entre octobre 2010 et 2011 de 13,3% (sources).

Une équipe cycliste se révèle donc être un outil de communication très intéressant pour les entreprises en terme d’image liée aux valeurs du cyclisme et de retombées médiatiques. Et même si les cas de dopage sont récurrents dans ce sport, les sponsors, par la fermeté de leurs réactions et la banalité du phénomène, ne semblent pas vraiment être très affectés, ma montre étant de marque Festina.


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