mercredi 7 août 2013

Quand les sportifs deviennent des marques

Une fois leur carrière terminée, certains sportifs de haut niveau se lancent dans une nouvelle carrière en créant leur marque de vêtements ou d’équipements sportifs. Cette reconversion leur permet de continuer à exercer dans leur domaine en capitalisant sur leur carrière sportive et sur leur nom. C’est ainsi que dans les sports qui ont fait l’actualité récemment comme le tennis et le cyclisme, on retrouve des anciennes gloires qui continuent d’être présentes par l’intermédiaire de leur marque.


Alors que le tournoi de Wimbledon a vu s’imposer chez les hommes Andy Murray, l’écossais a longtemps été sponsorisé par la marque Fred Perry jusqu’en 2009. Le créateur de cette marque de sportswear n’est autre que le dernier tennisman britannique à avoir remporté ce tournoi de Wimbledon avant Murray. Fred Perry, qui a créé sa marque à la fin des années 1940 était un contemporain d’un autre tennisman ayant lancé sa marque de vêtements à savoir René Lacoste, l’un des "Quatre Mousquetaires" dominateurs du tennis mondial dans les 1920-30. A la fin de sa carrière, René Lacoste lança sa marque de vêtements de sport en innovant avec sa fameuse chemise qu’il portait lui-même en compétition. Et depuis 1934, bon nombre de tennismen/women notamment français arborent les tenues au crocodile sur les différents tournois du monde entier. Un autre ancien joueur Sergio Tacchini, a lui aussi équipé par l’intermédiaire de sa marque de nombreux joueurs de 1er plan comme Djokovic, Sampras, McEnroe ou Hingis mais est plus en retrait actuellement. Quant à Bjorn Borg, sa marque de vêtement qui porte également son nom est davantage spécialisée dans les sous-vêtements et non le tennis.

Dans le cyclisme, des anciens champions comme Eddy Merckx, Greg LeMond ou encore Mario Cipollini (et surement d’autres) ont lancé leur propre marque de vélos à leur nom et équipent ou ont équipé ainsi des équipes cyclistes. Parmi les sportifs ayant pratiqué d’autres disciplines, on peut citer Serge Blanco dont sa marque de vêtement casual chic est en concurrence avec d’autres marques créées par des rugbymen comme Eden Park, Ruckfield (Sébastien Chabal), Cambé (reprise par la famille Cambérabéro mais non créée par eux). Autre célèbre exemple, l’ancien champion olympique de gymnastique chinois Li-Ning, qui équipe avec sa marque de vêtements de sport une bonne partie de la sélection chinoise lors des derniers JO ainsi que quelques équipes de football et sportifs étrangers de 1er plan (cf. ancien billet sur la marque chinoise).

Tous ces exemples de reconversion sont rendus possibles grâce à la notoriété de ces anciens sportifs. Souvent créées avec des associés, ces anciens sportifs sont légitimes et crédibles dans cette démarche si leurs performances et leur palmarès ont marqué l’histoire de leur sport respectif. Pour le consommateur, pratiquant un sport, il est rassurant d’utiliser des produits portés ou créés par des sportifs référence car il va associer la performance du produit à celle de l’ancien sportif, sans oublier l’importance du story-telling pour l’image des marques de ce secteur renforçant la légitimité de la marque par le parcours sportif de son fondateur.


Mais il existe une autre manière pour un sportif, notamment en activité, de laisser sa trace dans le domaine des marques de sport. C’est ainsi que certaines marques s’associent avec des sportifs pour un partenariat dépassant le simple concept d’équipementier en collaborant ensemble sur des collections de vêtements de sport.

L'exemple probablement le plus marquant et éventuellement le plus ancien d'après moi est celui de Michael Jordan et de sa collection de chaussures "Air Jordan" en collaboration avec Nike. L'ancien basketteur bénéficiant d'un telle notoriété à l'époque, il était intéressant de renforcer le partenariat entre le sportif et la marque à la virgule par une collection de chaussures avec une incarnation plus prononcée. Cette incarnation des produits par le basketteur passe notamment par la création d'un logo dédié à la collection, à l'image du sportif, le fameux "Jumpman". Cette silhouette représentant Jordan dans une de ses fameuses envolées fut l'un des logos marquants des années 90 dans le sportswear. Avec son propre logo qu'il arbore sur ses tenues et en magasin, le sportif est devenu lui-même une marque. Le succès de ce partenariat est tel qu'il permettrait à Michael Jordan de percevoir encore actuellement 60 millions de dollars par an de royalties (source Forbes).

Depuis Michael Jordan, de nombreuses stars de la NBA ont eu droit elles aussi à leurs modèles signature en collaboration avec des équipementiers. On peut citer LeBron James, Paul Pierce toujours avec Nike, Derrick Rose avec Adidas, Allen Iverson avec Reebok. Et ce type de partenariat est particulièrement prisé des marques chinoises pour émerger rapidement dans ce secteur concurrentiel dont surtout Li-Ning avec ses modèles de chaussures personnalisées pour Shaquille O'Neal (dont le logo sous forme de silhouette évoque le Jumpman de Jordan), Dwyane Wade, Baron Davies, Chuck Hayes, ou encore Kevin Garnett avec Anta, Steve Nash avec Luyou et Shane Battier avec Peak tout comme Michael Pietrus et Tony Parker depuis peu (certains modèles sont visibles ici). Tous ces joueurs prescripteurs jouent avec des chaussures que peuvent porter leurs fans pour s'y identifier grâce aux logos présents sur ces chaussures représentant les joueurs sous forme de silhouettes, visages ou initiales stylisés.

La pratique est beaucoup moins courante dans le football notamment et ne concerne que quelques joueurs dont la notoriété dépasse le sport comme Lionel Messi, Cristiano Ronaldo ou David Beckham. Même si les équipementiers ont l’habitude de personnaliser les chaussures de leurs ambassadeurs les plus importants en y inscrivant leur nom, ces modèles ne sont pas en vente. Nous ne sommes pas dans la même stratégie que celle présente dans le basket nord-américain. Mais un cas est plutôt intéressant dans le football, celui de Cristiano Ronaldo. Connu également sous le pseudonyme très marketing « CR7 » proche de certains basketteurs notamment comme LBJ23  (LeBron James) ou CB4 (Chris Bosh), le joueur portugais ne collabore pas seulement avec Nike pour une collection de sportswear, puisqu’il possède sa propre marque de vêtements plus « chic ». Sa marque nommé évidemment « CR7 » propose des vêtements street/casualwear en vente dans quelques boutiques au Portugal et au Luxembourg. Je n’ai pas l’impression que cette marque soit née d’une collaboration avec son équipementier Nike, mais en tout cas cette initiative correspond à l’image que véhicule le joueur.

En ce qui concerne les sports individuels, ce qui est intéressant pour les équipementiers c'est qu'il n'y a pas la contrainte de l'uniformisation des tenues des équipes de sports collectifs (hors compétitions internationales dans certains cas). Ce qui permet une totale liberté dans la personnalisation des tenues des sportifs de la tête aux pieds. 

C’est ainsi que dans le tennis, les 2 principaux ambassadeurs masculins de Nike, Roger Federer et Rafael Nadal ont chacun leur propre collection de vêtements avec leur propre logo dédié. Ces collections personnalisées avec  logos permettent notamment au public de porter les mêmes tenues que leurs champions et ainsi de les soutenir, ce qui n’est généralement pas permis dans les sports individuels, on retrouve ici un peu le même esprit que les maillots de sports collectifs floqués du nom des joueurs.

Une autre égérie de Nike, Tiger Woods, lui aussi bénéficiaire de sa propre collection dédiée est un cas intéressant car il illustre la nécessité pour un ambassadeur aussi impliqué par ce type de partenariat d'avoir un comportement exemplaire sur et hors des terrains de sport. Tiger Woods étant l'un des ambassadeurs stars de la marque, ces déboires conjugaux d'il y a 2 ans avaient incité Nike a tourner un spot TV dans lequel le golfeur se faisait sermonner par son père décédé (à voir sur un de mes anciens billets).



Autre équipementier, Puma, qui lui mise beaucoup sur son sprinteur vedette Usain Bolt. L’athlète en contrat avec la marque depuis 2003 soit une décennie, était donc âgé de 16 ans ce qui peut paraître risqué pour la marque (on peut citer en exemple le footballeur Freddy Adu signant un contrat d’1 million de dollars avec Nike à 13 ans, alors que l’attaquant américain n’a pas eu la carrière espérée). Le pari étant réussi avec Bolt, l’ancienneté de ce partenariat permet au sportif d'être durablement associé à la marque, qui peut légitimement surexposer son ambassadeur. Ainsi en 2010, Puma, en collaboration avec Bolt a lancé une collection de vêtements et de chaussures de sport à son image, avec plusieurs signatures graphiques dont sa célèbre posture d’après course.


Que ce soit en créant sa propre marque ou en collaborant avec un équipementier pour la création d'une collection à son nom, le sportif devient lui-même une marque et en adopte les mêmes codes. Comme une marque, ces sportifs possèdent leur logo, leur signature graphique sous diverses formes, leur permettant d'identifier clairement leurs produits. Comme une marque, le nom du sportif ou son logo constitue une garantie pour le consommateur quant à la qualité des produits qu'il porte ou crée. Enfin, comme une marque, le sportif se doit de maîtriser sa propre image car de ses performances sportives et de son comportement vont dépendre le succès des produits qu'il représente, de même que son succès personnel auprès des annonceurs et équipementiers.



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